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Retour sur les Rencontres 2024 (3) – Projets culturels & synergies avec le territoire/

Retour sur les Rencontres 2024 (3) – Projets culturels & synergies avec le territoire

Emile Rivet

Rencontres 2024 / Patrimoines vivants : échanges et coopérations au coeur des territoires

L’édition 2024 des rencontres du réseau des Centres culturels de rencontre s’est déroulée les 12, 13 et 14 décembre à la Cité du Mot et à l’Abbaye de Noirlac. Les discussions et interventions ont permis d’éclairer la thématique « Patrimoines vivants : échanges et coopérations au cœur des territoires ».

/ Le modèle des CCR, spécificités et perspectives

Le label « Centre culturel de rencontre » introduit de nouveaux liens heureux entre culture, création et habitants qui sont considérés comme partie prenante du projet de structure. Par son modèle transversal, il permet des synergies avec une multitude de partenaires : État, région, département, collectivités, privés, … Le CCR devient ainsi le lieu pour rassembler des acteurs qui souhaitent s’investir sur un territoire.

Le CCR n’est pas un équipement culturel comme un autre, il est intrinsèquement lié à une vision globale sur de nombreux sujets : entrepreneuriat, architecture et valorisation du patrimoine, hôtellerie, boutique, artistique avec notamment des résidences d’artistes, etc. C’est ce foisonnement artistique, culturel et économique qui permet de qualifier le patrimoine et d’en faire un lieu habité, généralement détourné de sa fonction première.

Ce détournement commercial est assumé dès les prémices du concept de Centre culturel de rencontre tel qu’évoqué par Jacques Rigaud dans les années 1970. Bien que chaque CCR réponde à un modèle économique propre, cette notion d’hybridation des ressources, entre patrimoine, tourisme et artistique, leur est commune. Cela demande de dialoguer avec de nombreux acteurs des territoires. Le label CCR est par essence partenarial, caractéristique renforcée par le fait qu’il n’y ait pas de financement systématique et fixe attribué au label. Modèle évolutif grâce notamment à cette hybridation des ressources et aux nombreux partenariats noués, les CCR ont la capacité à valoriser les ressources publiques par un effet multiplicateur.

Labellisée en 2003, l’Abbaye d’Ambronay a pu ainsi franchir un seuil certain en passant de la temporalité du festival à une activité à l’année, entrainant par conséquent des créations de postes et une augmentation des partenaires.

Le Plus Petit Cirque du Monde (PPCM) interroge la structure et l’aménagement même de son lieu comme outil pour mieux vivre ensemble. Le PPCM est aussi attentif aux artistes en résidence et plus spécifiquement à leur capacité à travailler avec les habitants pour nourrir ce dialogue permanent.

La Bastide de l’oralité, premier site labellisé depuis que la procédure de labélisation est déconcentrée en région, valorise la culture basque et plus généralement l’oralité à l’échelle de la Bastide-Clairence. L’espace public devient ainsi un terrain d’expérimentation, ce qui accentue ce travail de proximité avec les acteurs qui font le territoire. Un dialogue vertueux s’établit.

Une circulaire est en cours d’élaboration au ministère de la Culture autour du label CCR afin de la partager en région dans la perspective d’une base commune de travail sans pour autant perdre la pluralité qui fait la richesse du réseau. Une des suggestions, formulée lors de ces journées, est d’instaurer une commission mixte étant donné qu’il s’agit d’un label transdisciplinaire.

Si chaque CCR reste singulier, par le site investi, le projet et le territoire d’implantation, le réseau se caractérise par un même état d’esprit et des valeurs communes qui en font sa force. Les CCR sont des lieux de liberté, de créativité, d’inspiration et d’expérimentation à défendre avec passion.

/ Protéger et animer le patrimoine

Lorsqu’il est question de protection du patrimoine, cela s’accompagne de mesures de contrôle qui peuvent s’avérer contraignantes. Les intervenants ont tâché d’expliciter les opportunités de création, de coopération et de lien avec les populations que permettent malgré tout les politiques patrimoniales. L’acceptabilité et les potentialités du patrimoine ont ainsi été discutées.

Le label Ville Pays d’Art et d’Histoire (VPAH) a une politique intégrée de la connaissance, de la protection, de la restauration ainsi que de la transmission. Animé par des collectivités, le label VPAH est dans une posture d’animation culturelle. À titre de comparaison, les CCR sont davantage sur une posture d’expérimentation artistique et culturelle et de soutien à l’émergence des artistes.

Le site archéologique de Bibracte, classé Grand Site de France (ministère de l’Environnement), travaille sur la question de l’expérience visiteur à la fois sur le volet archéologie (site de fouilles et musée) et l’environnement paysager. Afin de lier ces deux portes d’entrée, le site travaille sur l’impression de l’esprit des lieux, œuvre à trouver ce qui fait fierté sur le territoire pour faire commun. Il endosse ainsi un rôle social d’animation du territoire et d’animation touristique.

Un des projets menés avec la participation active des habitants est un inventaire des chemins menant vers et sur le site de Bibracte. Ces chemins constituent un patrimoine à part entière à mettre en avant pour cette symbolique du lien. Même si certains ne sont plus praticables, ils entretiennent une forme de nostalgie chez certains habitants. Les habitants ont été invités à relier les points remarquables de ces chemins entre eux, travail de collecte accompagné et illustré par des paysagistes/artistes. Dévoilant ainsi l’âme de ce patrimoine naturel, le site crée des opportunités de revenir.

Certains classements permettent de s’engager dans un système de valeurs dont le respect sera évalué par des personnes extérieures, et ce au-delà de la question patrimoniale qui n’est plus une fin en soi. Par exemple, s’interroger sur les méthodes et les enjeux de la préservation du patrimoine : est-ce que cette démarche contribue à réduire les inégalités quelque soit leur nature, est-ce que cela est fait dans le respect des droits de l’Homme, est-ce que les populations sont invitées à prendre part activement à ce processus, etc.

/ Bourges 2028, quelles répercussions pour le territoire ?

Désignée le 13 décembre 2023 capitale européenne de la culture 2028, la ville de Bourges développe un projet qui se veut à l’écoute du territoire et reposant sur des ressources existantes dans une dynamique d’impact limité.

Par exemple, le projet souhaite s’appuyer sur les équipements existants du territoire, y compris ceux n’ayant pas une vocation culturelle. Ainsi, des fonds de commerce inoccupés seront réinvestis pour des expositions, des gares menant vers Bourges seront le lieu d’exposition pour des artistes comme Eva Jospin ou Gilles Clément, l’hôpital psychiatrique de la ville sera le terrain d’expérimentation d’un projet autour de la santé mentale, etc.

Un des principaux axes du dossier de candidature repose sur la dimension du patrimoine vivant. Il s’agit de dérouler un programme autour du droit au vivant qui aspire à redonner une existence au vivant, à faire exister juridiquement et faire prévaloir les droits de la Nature. Pour ce faire, des projets autour de l’axe de la Loire et de ses affluents ainsi que des zones de marais seront déployés.

Face au constat d’une rotation rapide des œuvres de spectacle vivant, le choix a été fait de limiter les projets de création afin d’aller chercher dans les répertoires des artistes des œuvres qui ne sont plus diffusées. Une place sera également donnée aux artistes amateurs, notamment lors de la cérémonie d’ouverture. Le programme artistique devrait être stabilisé en juin 2025, de là la narration du projet pourra être tissée.

La région centre est confrontée à des problèmes de mobilité qui limite la rencontre des habitants ainsi que leur participation à des manifestations culturelles et artistiques. Pour pallier ce manque de connexion, un réseau spécifique de transports sera mis en place. Il conviendra aussi de réfléchir aux derniers kilomètres, avec des navettes dédiées à de courts trajets. Une des ambitions est de faire perdurer ces nouveaux modes de déplacement après Bourges 2028.