La Chartreuse par Philippe Malone, écrivain-photographe
Presque tous mes textes ont été écrits à la Chartreuse. Tous ont bénéficié de la retraite choisie et du creuset d'enthousiasme des présences rencontrées. Je quittais ce lieu espérant y revenir. J'y revenais pour reprendre le travail, à l'endroit exact où semble-t-il, je l'avais laissé. Peut-être même n'ai-je écrit qu'un seul texte ici. Un texte palimpseste tissé de toutes ces étapes, reconduites de proche en proche. En surimpression.
Après plusieurs longues années de séparation, je suis revenu à la Chartreuse en novembre 2019, avec un appareil photo glissé dans mon sac. Au projet d'écriture initial s'ajouta l'errance photographique. Cheminer dans ces lieux était comme avancer dans un texte, à tâtons, entre des parois connues que l'on cherche à réinventer. L'acte photographique poursuivait l'écriture sous une autre forme. Surimpression d'un travail sur un autre. Naissance d'un second récit. Tout aussi personnel.
Un premier reflet attira mon attention. Il déclencha les suivants, plus construits, offrant la possibilité d'inventer ce lieu autant que de lui rendre hommage. Je tiens à cette question d'hommage dans mon travail. Je tiens tout autant à la fiction pour le rendre possible. Fiction de Chartreuse, éclats d'impressions et de surimpressions qui reconfigurent l'espace, tranchent des ciels sur la pierre, détournent des lignes de fuite et nous perdent dans une architecture fictive. Métamorphoses.
Ces métamorphoses se nichent à l'abri des cloîtres derrière chaque cellule. Chaque passe-plat ouvre une fenêtre décalée sur la Chartreuse. Dans chaque passe-plat une image tente non pas de témoigner du réel mais s'imagine en produire un différent, étrange. Ici, aucune légende. L'image ne fait que la moitié du parcours. A chacun.e. de le poursuivre à sa guise. Que ce lieu ne soit jamais fini. Un palimpseste.
Philippe Malone est écrivain, dramaturge et photographe. Il a écrit une quinzaine de textes dont Pasaran, Titsa , Morituri , III, L’entretien , Septembres, Blast ou encore Krach. Les textes sont régulièrement lus, joués, ou mis en onde, en France (Comédie française, Festival d’Avignon – Manufacture, Rencontres d'été de la Chartreuse…), et à l’étranger (Schaubühne, Deutsches Theater, au Bundestag, Poche-Genève…). Certains sont traduits, joués et publiés en allemand, polonais, italien et espagnol.