Les 12, 13 et 14 décembre 2022, l’ACCR a organisé les Rencontres de Goutelas afin d’échanger autour du thème « Patrimoine, variété des récits : quelle place faite à l'autre ? ». Pour ce séjour apprenant, se sont réunis au château de Goutelas plusieurs membres du réseau de l’ACCR ainsi que des représentant.es de ses partenaires européens.
Organisés en partenariat avec la coopérative Les Oiseaux de Passage, ces temps de discussions et de rencontres autour de la place donnée à l’autre dans les récits et lieux de patrimoine ont fait émerger à la fois des préoccupations communes entre CCR, des pratiques inspirantes déjà en œuvre ainsi que des pistes de réflexion pour l’avenir.
Afin d’aborder l’inclusivité par et dans le patrimoine, valeur chère à l’ACCR, les différents axes de la Convention de Faro ont pu être déployés. De fait, la convention européenne souhaite encourager un patrimoine partagé dans lequel chacun.e peut trouver un terrain d’expression.
Explicitée par Prosper Wanner dans un précédent article, la Convention de Faro présente le patrimoine comme une ressource autour de laquelle se développent des communautés patrimoniales propres à renforcer les liens entre les êtres humains.
Par l’exemple du château de Goutelas, qui apparaît comme un lieu ouvert, les équipes ont pu découvrir comment cette démarche collaborative entre habitant.es, site patrimonial et territoire s’était instaurée. Comme le présentait Sarah Wasserstrom dans une interview antérieure, une communauté patrimoniale s’est formée et soudée autour de la question de la reconnaissance des femmes dans l’histoire du château de Goutelas.
/ Mise en place et développement d’une communauté patrimoniale
Grâce à l’exemple concret du château de Goutelas, avec les interventions de ses représentant.es et l’expérimentation de ses balades matrimoniales, ces trois jours de séjour ont permis de monter en généralité pour déterminer ce qui permettait à une communauté patrimoniale de prendre forme.
Dans un premier temps, il faudrait déterminer les intérêts communs, ce qui fait sens pour tout un chacun, autour d’un patrimoine donné. Il faut donc laisser à chacun.e l’occasion de s’exprimer et accorder à chaque récit la même valeur et le même intérêt. Cet enchevêtrement des récits aboutit à trouver le commun qui constitue à son tour l’étape nécessaire à une compréhension mutuelle.
Une fois ce commun trouvé et approuvé, s’élabore un nouveau récit autour du patrimoine que chacun.e peut aisément s’approprier pour y avoir en partie contribué. La communauté patrimoniale s’empare du patrimoine pour le faire sien et ainsi mieux en parler.
/ Repenser la notion d’hospitalité
L’hospitalité a été interrogée dans une large acception : ouverture physique, bienveillance envers tous et écoute de chacun.e, mais aussi respect de l’environnement avec une attention particulière envers les êtres vivants non-humains.
Le premier degré d’hospitalité réside dans l’accueil. Il faut donc y porter une vigilance accrue, et ce selon trois phases : avant, pendant et après la venue sur place. Cela favorise un sentiment de bien-être général, facilitant de ce fait l’appropriation du lieu concerné.
Chaque CCR présent a pu évaluer la place qu’il laissait aux différents récits dans la création de son discours. Cela vient remettre en cause l’idée d’un récit unique, institutionnel, qui donnerait une image figée et officielle du site aux personnes extérieures. Reconnaître la légitimité des autres récits, qu’ils soient alternatifs ou contraires au discours principal, demande de repenser son positionnement et son fonctionnement.
Cette prise en compte des points de vue multiples permet de se présenter comme un site accessible. Cela est d’autant plus vrai si l’institution va au-devant de ces nouveaux récits en encourageant le processus.
Dans une démarche de respect de la biodiversité, la notion d’hospitalité est à comprendre comme le fait de cohabiter avec l’ensemble du vivant de manière harmonieuse. Autrement dit, la présence de l’Homme ne doit pas être au détriment de celle des autres êtres vivants et des mesures doivent même être prises pour favoriser leur venue.
/ Préservation de la mémoire des lieux et multiplicité des récits : quelle cohabitation ?
Une des réticences que peuvent soulever les sites patrimoniaux à une telle ouverture est la perte de consistance de leur discours : comment présenter et affirmer son identité si des récits multiples se côtoient ? Comment concilier mémoire et projet du lieu avec les regards individuels et subjectifs de chacun ?
Il s’agit bel et bien d’inverser son mode de pensée et d’envisager la multiplicité des récits comme un enrichissement et non plus comme un appauvrissement d’une identité.
(À propos des équipes d’un centre culturel) « Elles ne sont pas propriétaires ou gardiennes d’un patrimoine mais légataires. »
Croiser des regards et des questionnements contemporains avec la mémoire des lieux permet de donner un caractère vivant au site, le rendant plus proche des préoccupations actuelles tout en étant l’occasion de rappeler un pan du passé.
Il convient également de percevoir la multitude des récits comme le témoignage d’un certain attachement envers le site : si les personnes en parlent, c’est qu’elles lui portent un intérêt. Or, l’attachement populaire permet de faire vivre un site en créant des habitudes de visite et une dynamique de recommandation. Ce qui s’avère être bénéfique pour le site patrimonial.
Les rencontres de Goutelas ont notamment été suivies par Cyril Leclerc, consultant et formateur ainsi que rédacteur pour le média communicant.info, média du collectif Les Œuvres Vives. Il vous propose un compte-rendu de ces trois jours dans l’article suivant.